Les confidences de Dimata: "Pourquoi ne pas créer une surprise pour le Mondial?"
Landry Dimata a beaucoup appris depuis son arrivée à Wolfsbourg.
- Publié le 22-03-2018 à 11h03
- Mis à jour le 22-03-2018 à 12h02
Landry Dimata a beaucoup appris depuis son arrivée à Wolfsbourg. "Quand je reviens ici, cela me permet de souffler. D’évacuer la pression, de sourire, de voir la famille, et quand je reviens avec ce comédien…"
Landry Dimata éclate de rire en posant un regard complice sur Dodi Lukebakio, installé à quelques mètres de lui. Deux jours avant, l’attaquant a disputé son premier match de Bundesliga en intégralité, en gardant quelques stigmates sur le corps. Les rayons de soleil qui innondent le lobby de l’hôtel de Tubize rappellent que le printemps est proche. L’occasion pour Dimata de refleurir après des mois compliqués. Loin de l’insouciance qui avait escorté sa première saison au plus haut niveau à Ostende, le passage à Wolfsbourg a généré son lot de frustration. Mais a aussi permis au joueur de grandir encore et encore en étant confronté à des difficultés qui serviront pour la suite.
Avec sa lucidité qui est toujours aussi bluffante pour un jeune de 20 ans, Dimata s’en est longuement ouvert.
Quelle est la différence entre le Dimata de l’année dernière, en pleine bourre avec son doublé en finale de la Coupe, et le Dimata de cette année ?
"La différence, c’est que le Dimata d’aujourd’hui est beaucoup plus costaud mentalement. J’ai grandi mentalement, je suis devenu encore plus un homme. J’ai appris à savoir gérer les bonnes et les mauvaises choses de la vie. Cette gestion des choses quand tu es au top et que tu es dans le dur. C’est ce que j’ai appris. Savoir être constant aussi. Ce n’est plus le Landry fou fou pour qui tout se passait bien."
Parce que vous avez fait face à des difficultés…
"Oui. Et la leçon, clairement, c’est qu’on apprend plus, beaucoup plus dans la difficulté. Il faut savoir en tirer le positif."
Comment avez-vous procédé ?
"J’ai une grande équipe derrière moi avec la Godson Academy et Didier Frenay, qui est comme un père pour moi, qui prend toujours le temps de me conseiller. C’est la chance que j’ai. Il m’aide à rester la tête sur les épaules pour que je fasse mon autocritique pour grandir. C’est comme cela que j’arrive à progresser."
L’année dernière, vous nous aviez avoué quand tout allait bien que le piège que vous deviez éviter était de s’enflammer…
"Et cette année, c’est l’inverse, en fait. Il s’agit de ne pas tout voir en noir. Je relativise. Je me dis finalement qu’heureusement que cela s’est passé maintenant. Heureusement dans un sens. Tant mieux même. Imaginez si j’avais vécu cela plus tard après avoir vécu cinq, six ans en progressant sans arrêt. Et d’un coup, flop. Comment aurais-je géré la situation ? Pour remonter, c’est difficile. Maintenant, je sais comment gérer. En fait, c’est comme si j’avais vécu le mini-condensé d’une carrière en un an."
L’année dernière, toujours, vous mettiez en avant l’importance du travail dans votre ascension…
"Là, le travail reste. Peut-être même encore plus. Quand cela devient difficile, il ne faut surtout pas buter sur la difficulté mais redoubler d’efforts dans le travail pour la contourner. C’est seulement comme cela que tu peux revenir encore plus fort. Si tu ne te poses pas les bonnes questions, c’est dur. Comment tu fais ? C’est impossible. Cela passe par un travail sur soi, en dehors du football aussi en termes de mentalité générale. Même dans la difficulté, il faut travailler beaucoup plus. C’est comme cela que tu grandis."
Vous êtes déjà plutôt mature pour votre âge…
(Il coupe) . "J’ai encore gagné en maturité en fait. On pourrait dire que j’ai 40 ans dans ma tête (rires) . Tout ce que j’ai vécu, ce ne sont pas des situations que tu vis quand tu es jeune, dans la vie normale. Tu ne vis pas tous ces changements émotionnels. Quand tu es jeune, tu ne peux pas gérer cela, il faut te faire aider."
"Personne n'aurait pu être prêt à vivre cela"
La saison de Wolfsbourg est franchement chaotique.
Trois entraîneurs, Andries Jonker jusqu’au 18 septembre, Martin Schmidt jusqu’au 19 février et désormais Bruno Labbadia, une 15e place à égalité de points avec le 16e barragiste en raison, notamment, de ses 13 matches nuls en 27 journées, un record cette saison en Allemagne : Wolfsbourg s’affiche bel et bien comme la déception de l’année en Bundesliga.
La saison que vous vivez correspond-elle à vos attentes ?
"Oui et non. Non parce que ni la situation du club, ni mon temps de jeu et les changements d’entraîneur n’étaient prévisibles. Personne n’aurait pu être prêt à vivre cela. Et oui parce que je savais que la Bundesliga, cela allait vraiment être autre chose, que cela allait être la guerre. J’ai beaucoup appris même si je n’ai pas beaucoup joué."
Comment fait-on pour s’habituer aux méthodes de trois entraîneurs sur une saison ?
"Super question… C’est compliqué et cela se voit dans la mentalité de l’équipe et du club. Ce n’est pas vraiment stable. C’est compliqué de changer à chaque fois de méthode, de dispositif, de visions des choses, de manière de travailler. Les joueurs doivent s’adapter à chaque fois. C’est compliqué…"
La bonne nouvelle est que vous venez de jouer votre premier match de Bundesliga en intégralité contre Schalke…
"Et c’était la guerre avec Naldo et tous les défenseurs (rires) . Recevoir la confiance du coach m’a fait du bien. Dès son arrivée, il nous a fait comprendre que tout le monde serait logé à la même enseigne et que tout le monde devait conquérir sa confiance, que le meilleur jouerait. Ces derniers temps, je suis bien aux entraînements, il m’a donné ma chance. Si je me donne au maximum, si je suis le meilleur, je jouerai alors qu’avec les autres coaches, par rapport aux statuts, ce n’était pas forcément le cas…"
Parce que les fameux statuts entraient en ligne de compte ?
"Oui, je pense. Cela joue dans le football. Avec Labbadia, c’est différent. Il attend que les joueurs pensent au groupe. Le problème de notre équipe est que beaucoup de joueurs jouaient d’abord pour eux et cela a affecté notre rendement. Là, le coach veut que les joueurs pensent d’abord à l’équipe. Dans notre situation, nous ne pouvons plus nous regarder nous-mêmes, nous dire ‘ je vais jouer pour moi et ne penser qu’à ma g …’, il faut que l’équipe se sorte de cette situation."
Personne ne voyait Wolfsbourg si bas…
"Même pas nous. C’est un gros coup de marteau sur la tête. Nous n’étions pas prêts à cela. Quand on regarde toutes les qualités de nos joueurs, les noms, comment cela se fait ? Encore maintenant dans le vestiaire, on se demande parfois comment on est arrivé là ?"
Aux Pays-Bas en pensant à la Hongrie
Johan Walem et ses hommes ont pris la route des Pays-Bas ce mercredi soir pour y affronter à Doetinchem ce jeudi (18 h 30 sur Proximus 11) leurs homologues néerlandais. L’objectif de ce match amical est de préparer au mieux la rencontre de qualifications à l’Euro contre la Hongrie de lundi à Louvain qui sera déterminante pour consolider la place de leader que les Diablotins occupent actuellement.
"Wolfsburg ne voulait absolument pas me prêter"
Les premiers pas compliqués vécus par Landry Dimata n’ont pas fait baisser son attractivité. De nombreux clubs, à commencer par Anderlecht et La Gantoise, se sont penchés sur lui cet hiver. “Ses intérêts m’ont motivé”, avoue-t-il en souriant. “Quand je regardais ma situation, pour être honnête, ce n’était pas top du tout. Je suis quelqu’un de réaliste, qui fait son autocritique, mais c’était super compliqué. Quand je vois que, malgré tout, malgré ma situation, des personnes ont confiance en moi et connaissent mes qualités, je me dis que mon talent est reconnu et que je suis considéré, cela booste.” Et si lui et son entourage étaient intéressés par un prêt, son employeur ne partageait pas cette vision. “On l’avait en vue ce prêt. Mais Wolfsbourg ne voulait absolument pas me prêter. Nous, c’était l’idée de partir pour avoir du temps de jeu. Mais la décision du club était claire, ils avaient besoin de moi pour la deuxième partie de saison, ce qui est le cas…”
"Coucke est toujours aussi chaleureux"
Sur le ton de la boutade, l’été dernier, Landry Dimata s’était amusé de l’intérêt d’Anderlecht. “J’étais trop cher pour eux.” Est-il toujours aussi inabordable pour le Sporting désormais propriété de Marc Coucke ? “Là, c’est devenu différent”, lâche-t-il dans un grand éclat de rire. “Plus sérieusement, Marc Coucke est quelqu’un que j’apprécie beaucoup. Je pense que c’est pareil pour lui. Je lui ai récemment envoyé un message pour le féliciter. Il était content et disait qu’il continuait à me suivre. Cela me fait plaisir parce que c’est grâce à lui que j’ai eu cette chance de jouer. Je serai toujours reconnaissant. Si j’ai entendu qu’il était prêt à m’accueillir ? Non. Il est toujours aussi chaleureux.” (rires)
"Tu veux absolument jouer un Mondial dans une carrière, c’est comme un manque"
En club, Landry Dimata apparaît à l’heure actuelle devant Divock Origi. Ce qui n’est pas le cas en sélection où l’attaquant est devant lui dans la hiérarchie. La situation pourrait évoluer si les difficultés perdurent pour le joueur prêté par Liverpool. De quoi rêver pour Dimata d’un destin similaire à son partenaire, grande surprise du Mondial brésilien il y a quatre ans ? “Pourquoi pas ? On aime les choses impossibles”, s’amuse-t-il. “Le football peut aller si vite, d’un côté comme de l’autre. Il faut toujours être prêt. Pourquoi pas créer une surprise pour la Coupe du Monde ? Tout dépend de moi. La Coupe du Monde, c’est à la fois un rêve, un objectif et une envie. C’est le plus grand tournoi qui existe. Tu veux absolument jouer un Mondial dans une carrière, c’est comme un manque. Si cela se passe en juin, je serai le plus heureux au monde. Si c’est plus tard, avec plaisir.”